Bartholomeus SPRANGER

(Anvers, 1546 – Prague, 1611)
Vénus et l’Amour
Huile sur bois, H. 0,80 m – l. 0,60 m
Don d’Alfred Chalmel en 1882
INV. 882.6.3

 

Bartholomeus Spranger fut successivement formé à Anvers par Jan Mandyn, Frans Mostaert et Cornelis van Dalem. En 1565, il se rend en Italie en passant par Fontainebleau et Lyon, comme tant d’autres nordiques de l’époque. Il séjourne à Parme puis à Rome. Au service du pape Pie V de 1570 à 1572, il est appelé à Vienne en 1575 par l’Empereur Maximilien II. Enfin, à Prague en 1581, il devient le premier peintre de la cour de Rodolphe II, roi de Bohême et empereur du Saint Empire Romain Germanique. Ses célèbres compositions allégoriques et mythologiques, qui forment l’essentiel de sa production, font de lui l’un des meilleurs représentants du maniérisme international.

Cette peinture mythologique est l’une des deux œuvres de Spranger conservées en France. La seconde, une Allégorie de la Justice, se trouve au Musée du Louvre.

Le sujet est issu des Métamorphoses d’Ovide (IV, 190-192).

Eros, la main gauche posée sur son arc, une flèche dans la main droite, semble prêt à blesser Apollon dont Vénus veut se venger. En effet, il a révélé aux dieux de l’Olympe les amours adultères de Vénus avec le dieu Mars, dont Eros est le fruit. Cet enfant ailé, apparemment innocent, est en réalité un dieu puissant dont les flèches redoutables font naître des passions violentes à l’issue fatale.
Selon une autre interprétation, Eros serait au contraire en train de remettre la flèche dans son carquois ; le geste de Vénus inviterait l’enfant à abandonner son rôle traditionnel d’archer pour contempler le Soleil, représentation symbolique de l’amour divin.

Cette interprétation correspond à l’habitude qu’avaient les peintres, à la cour de Rodolphe II de Prague, d’utiliser la mythologie traitée sur le mode sensuel pour exprimer des vérités philosophiques ou des croyances mystiques.

Jacques de LÉTIN

(Troyes, 1597 – 1661)
Autoportrait
Huile sur toile
H. 0,65 m – l. 0,525 m
Legs de Mme veuve Léon Pigeotte, descendante du peintre, en 1900
INV. 00.3.2

 

Après avoir vécu à Rome dans le cercle de Simon Vouet de 1622 à 1625 environ, Jacques de Létin obtient très vite des commandes importantes dans sa ville natale et notamment pour les nombreuses églises de Troyes (Saint-Remy, Saint–Nizier, Sainte-Madeleine…) et de sa région (Chavanges, Aix-en-Othe, Les Riceys…). Sa réputation grandit et des commandes extérieures le poussent à partager son activité entre Troyes et Paris. Peintre habile et fécond, il a su se faire une manière personnelle en assimilant non seulement l’art de Vouet, mais aussi le réalisme flamand et la rhétorique italienne.

Il se dégage de cet autoportrait exécuté vers 1630-1635, dans la tradition des portraits exécutés sous le règne de Louis XIII, une poésie quasi romantique où le regard se perd dans une lointaine rêverie qui confère au personnage une délicate mélancolie.
Ce type d’autoportrait est fréquent en Italie et en France dans les premières décennies du 17e siècle. Le pourpoint à crevés était une occasion pour les portraitistes de donner aux personnages peints une certaine prestance.

Bernardo BELLOTTO

dit Canaletto le Jeune
(Venise, 1720 – Varsovie, 1780)
Les ruines du faubourg de Pirna à Dresde
Huile sur toile, 1722, H. 0,805 m – l. 1,13 m
Confiscation révolutionnaire au château de Pont-sur-Seine, collection du prince Xavier de Saxe
INV. 850.1.4

 

Neveu du peintre Antonio Canal, dit Canaletto, célèbre peintre de vedute (peintures très détaillées, en général de grand format d’un paysage urbain ou d’autres panoramas), Bellotto se forme dans son atelier. En 1738, il est admis à la Fraglia dei Pittori, la guilde des peintres de Venise, attestant une activité indépendante. Il voyage en Lombardie, à Turin, à Vérone. En 1747, il est nommé peintre de la cour à Dresde par Frédéric-Auguste II jusqu’en juillet 1758, période durant laquelle il exécute des vues de la ville princière exprimant avec raffinement la splendeur baroque de la Saxe. Appelé à la cour de Vienne et de Munich, il est de retour à Dresde en 1761. Là, il découvre une ville détruite par la guerre de Sept ans (1756-1763). Les œuvres qu’il réalise alors sont l’expression dramatique des désastres qu’a subis la ville sous les bombardements prussiens. A la fin de sa vie, Bellotto s’installe à Varsovie où il réalise de nombreuses vedute.

C’est en 1761, à son retour à Dresde, que Bellotto peint cette vue de Pirna. Vraisemblable pendant du célèbre Dresde, ruines de l’ancienne Kreuzkirche, qui avait été offert par le védutiste au régent de l’électorat de Saxe, le prince Xavier, cette oeuvre livre une image tragique de la ville au lendemain de la guerre. Variation pré-romantique sur le motif de la ruine, cette composition fixée depuis un point de vue surélevé, repose sur un échelonnement d’architectures éventrées et de fondations ruinées. Le squelette du palais Fürstenhof délimite la gauche du tableau et crée une zone d’ombre qui s’oppose à la ruine monumentale et lumineuse au centre. On retrouve la palette claire habituelle du peintre, composée de rose et de bleu relevés de vert émeraude.

Charles Joseph NATOIRE

(Nîmes, 1700 – Castel Gandolfo, 1777
Io enlevée par Jupiter
Huile sur toile, H. 3,00 m – l. 2,00 m
Confiscation révolutionnaire
Provient du château de la Chapelle-Godefroy, collection de Philibert Orry (1689-1747)
INV. 835.3

 

Elève de Louis Galloche puis de François Lemoyne, Natoire remporte, en 1721, le Grand Prix qui lui ouvre les portes de l’Académie de France à Rome. De retour à Paris, il devient un peintre à la mode à qui l’on fait appel pour réaliser des entreprises importantes tant dans le domaine profane que religieux. Reçu à l’Académie en 1734, il y devient professeur en 1737 aux côtés de François Boucher. En 1751, il est nommé directeur de l’Académie de France à Rome. Eloigné de la capitale française, il meurt oublié à Castel Gandolfo.

En 1730, Natoire se lance dans un immense projet décoratif pour le château de La Chapelle-Godefroy appartenant à Philibert Orry (contrôleur général des Finances à partir de 1730 puis directeur général des Bâtiments du roi de 1737 à 1745). Quatre séries de tableaux furent réalisées. La première, dite l’Histoire des Dieux, en comptait neuf. La deuxième série, exécutée peu avant 1735, avait pour thème les quatre saisons. La troisième suite (1735-1738), en six tableaux, raconte l’Histoire de Clovis. Enfin, la quatrième série consacrée à l’Histoire de Télémaque, en six tableaux également, fut terminée en 1740.

Tirée des Métamorphoses d’Ovide, l’histoire de Io enlevée par Jupiter (série de l’Histoire des Dieux), raconte l’une des nombreuses aventures amoureuses du dieu du Ciel. Elle est le prétexte à représenter de belles nudités prisées par un 18e siècle amateur de plaisir et de volupté. Natoire y montre son art de la composition et du mouvement ; on y retrouve sa palette délicate où les roses subtils se déclinent en une douce harmonie.